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La jeunesse à la rescousse de notre planète : entretien sans concession avec Adélaïde Charlier (Youth for Climate)

Ce vendredi 20 septembre se tenait la première grève des jeunes de cette année scolaire en faveur du climat. Trois jours plus tard, c’est à l’ONU que l’on retrouvait une Greta Thunberg furieuse qui, lors d’un discours remarqué, s’en est pris violemment aux dirigeants présents dans l’Assemblée. « Vous avez volé mes rêves » a-t-elle clamé haut et fort ce lundi, la voix teintée d’une émotion non dissimulée.

Si le personnage qu’elle incarne ne fait pas toujours l’unanimité, Greta Thunberg, du haut de ses 16 ans, a néanmoins réussi le pari fou de donner l’impulsion de départ à une mobilisation des jeunes à l’échelle planétaire.

En effet, pour rappel, à la rentrée scolaire 2018, la collégienne a décidé de s’installer chaque vendredi devant le Parlement suédois, à Stockholm, pour sensibiliser les dirigeants du pays à l’urgence de la situation climatique. Elle y prendra ensuite la parole, avec pour uniques armes son courage et sa colère, et réitérera ensuite l’expérience un mois plus tard, lors de la COP24.

Très vite, cette jeune militante devient un phénomène planétaire et crée des émules aux quatre coins du globe. Conscient.e.s de l’urgence de la situation, et de l’avenir noir qui les attend, des milliers d’étudiant.e.s réagissent et se lancent corps et âme dans cette lutte contre la société de consommation.

Et chez nous ?

En Belgique, c’est Anuna de Wever et Kyra Gantois qui lancent un appel au secours et initient le mouvement de grève dans une vidéo publiée le 29 décembre 2018, donnant ainsi naissance au mouvement « Youth for Climate » (Jeunesse pour le climat). Elles seront immédiatement rejointes par Adélaïde Charlier, qui endosse désormais avec fierté et conviction le rôle de coordinatrice du mouvement dans la partie francophone du pays.

Où en sont aujourd’hui les discussions politiques ? Quelles sont les motivations de nos jeunes ? Quelles sont les actions programmées ? Mais aussi, comment jongle-t-on, en tant que jeune, avec les casquettes d’étudiant.e et de militant.e ?

Adélaïde Charlier, Namuroise de 18 ans et porte-drapeau du mouvement YFC, a accepté de répondre à nos questions.

Rencontre avec une jeunesse qui n’a pas froid aux yeux.

Bonjour Adélaïde. Tu es devenue l’une des figures de proue du mouvement YFC en Belgique.
Peux-tu nous raconter comment tu t’es intéressée à ce combat et, surtout, comment tu en es devenue l’une des ambassadrices dans notre pays ?

En décembre 2018, j’ai participé à la grande marche bruxelloise. Des milliers de Belges (75.000) disaient leur ras-le-bol face à l’inaction des dirigeants. Pourtant, deux jours plus tard, la Belgique se rétracte et change ses ambitions en matière de réduction de CO2. À Katovice (Pologne – Cop 24), notre ministre fédéral semble annoncer cela avec beaucoup de légèreté. C’est un coup de massue. Comment peut-on ignorer la demande de tant de citoyen.ne.s ? Là, le discours de Greta Thunberg a été le plus fort. Je l’ai vue dans les médias. C’est là que j’ai commencé à me dire que NOUS, LES JEUNES, nous pouvions aussi faire entendre notre VOIX. Greta, c’est une audace incroyable. Elle a démarré seule, elle n’a pas eu peur de cette solitude et sa détermination a inspiré et inspire encore aujourd’hui des millions de jeunes.

Alors, en janvier 2019, lorsque deux étudiantes néerlandophones démarrent des marches de jeunes (Anuna et Kyra), je me propose de tenir le versant francophone du pays. Le défi est lancé. Nous marcherons toutes les semaines, selon l’idée de Greta : « School strikes » and « Fridays for future » !

Le mouvement a tout de suite connu un immense succès à travers tout le pays…

Oui ! Des centaines de jeunes ont pris spontanément le parti de marcher dans les rues de leur ville ou de leur région. Des cellules de YFC sont nées à l’initiative de jeunes un peu partout en Wallonie, à Bruxelles et en Flandre. Chacun.e prend désormais la liberté de proposer son action. On essaye parfois de se coordonner sur les actions pour que ce soit plus « fort », mais cela reste libre.

Greta, c’est une audace incroyable. Elle a démarré seule, elle n’a pas eu peur de cette solitude et sa détermination a inspiré et inspire encore aujourd’hui des millions de jeunes.

Durant vingt semaines, des jeunes Belges se sont organisé.e.s dans toutes les villes pour demander aux politiques de tenir des objectifs plus ambitieux, pour qu’ils réalisent que c’est notre génération qui payera les conséquences de leur inaction. Ce qui me motive dans les marches, c’est cette colère de Greta quand elle dit à Davos (en janvier 2019) « I don’t want your hope, I want you to panic » (« Je ne veux pas de votre espoir, je veux que vous paniquiez »). Trop d’adultes aujourd’hui ne réalisent pas l’impact de leur inaction.

Comment cela s’est-il organisé chez nous ?

En Belgique, les marches ont été remarquées car nous les avons organisées TOUTES les SEMAINES (pas seulement aux dates des grèves mondiales). Un défi, parce que les écoles n’ont pas toujours apporté leur soutien et voyaient d’un mauvais œil les absences répétées des élèves. Personnellement, je pense que c’était NÉCESSAIRE ! Cela fait des dizaines d’années que le constat du réchauffement climatique est posé et les actions ne sont pas assez fortes (le bulletin des émissions de CO2 réalisé par l’UE nous place encore, nous les Belges, dans les dernier.e.s de la classe). Dès lors, pouvons-nous dormir sur nos bancs d’école ?

Je dirais encore que ces marches ont toutes été pacifiques, une sorte de joyeuse désespérance. Une jeunesse qui lance son « chant du cygne ». Il y avait de la joie d’être ensemble mais aussi de la colère de ne pas être entendu.e.s ; de voir l’inaction depuis tant d’années, de sentir le déni ou le refus de sortir d’un système qui tourne fou, celui d’un abus des ressources de la terre, puisque l’on sait aujourd’hui que le réchauffement climatique est accéléré par l’homme et que de puissants lobbys et trop de dirigeants tirent profit de cette surconsommation, en oubliant tous ceux qui sont exploités et en niant les conséquences dramatiques pour la terre.

Le combat que tu mènes est-il facilement conciliable avec ta scolarité ? As-tu rencontré des difficultés majeures depuis tes débuts ?

De janvier à juin 2019, ce n’était pas toujours facile de récupérer mes absences de cours (tous les jeudis et d’autres jours lorsque j’avais des invitations officielles). J’ai eu des professeur.e.s conciliant.e.s qui me permettaient de passer mes interros plus tard. J’ai dû étudier souvent tard le soir parce que je voulais réussir mon année et continuer mon engagement. En fait, j’étais tiraillée car je suis quelqu’un qui aime bien apprendre et qui se sent très bien à l’école. Donc manquer les cours, a priori, c’est pas mon truc. Mais quand on réalise l’état d’urgence dans lequel nous sommes, ça aide à se dire : on ne peut pas continuer à « vivre tranquillement », à « suivre son train-train ». Rester sur les bancs de l’école en pensant qu’on prépare son avenir, c’est tout de même un GROS déni de la réalité. Si on s’informe un peu, l’avenir des jeunes ne sera pas très rose, nous aurons beaucoup de défis à relever. Et c’est aussi un déni de penser que les adultes s’en occupent. Car, non, les choses ne bougent pas depuis des dizaines d’années. Si on était informés, je ne vois pas comment on resterait inactifs. Si la direction de mon école m’a toujours soutenue, elle reste (comme beaucoup d’autres écoles) prudente ou « raisonnable ». Il n’y avait pas de mot d’ordre pour envoyer les élèves dans les rues (on devait faire des tournantes par année et seulement un certain nombre). C’est dommage car je crois que les décideurs politiques et économiques ne bougeront pas ; ce qui les intéresse, c’est, pour les uns, les électeur.rice.s, pour les autres, le profit. Je crois que notre seul pouvoir, c’est de refuser ce qu’ils proposent, de refuser les produits sur le marché qui consomment trop de CO2, de refuser de manger de la viande brésilienne, de refuser d’obéir pour que les décideurs soient contraints.

À YFC, c’est ce qu’on fait, « respect exigence or expect résistance », mais avec comme mot d’ordre la non-violence.

Pour en revenir à l’école, j’ai eu la chance de réussir en juin, c’était un grand soulagement. Je pensais étudier ensuite (sciences politiques, je crois) mais finalement, je vais prendre une année sabbatique pour le climat. Je pars le 2 octobre en voilier au Brésil. Nous serons une trentaine de jeunes activistes engagé.e.s dans différentes causes : la mobilité, l’eau, le climat… On va avoir six semaines de traversée de l’Atlantique pour penser la transition. Ce sera aussi une manière de créer un réseau international de jeunes engagé.e.s. Au Brésil, nous ferons une visite en Amazonie pour mieux percevoir cette réalité. Puis, de là, on ira au Chili pour la COP25 (faire pression sur les politiques pour nous assurer qu’ils votent des programmes ambitieux).

Aujourd’hui, où en est la situation, sur le plan politique notamment ? Votre lutte porte-t-elle ses fruits ?

Les jeunes ont été parfois reçu.e.s mais jamais entendu.e.s (aucune action concrète n’a été posée encore). YFC a été invité avec d’autres acteur.rice.s de la société civile au parlement de Wallonie après les élections. Nous avons pu émettre nos demandes au niveau du climat. Mais où en est cette note ?

Le temps des négociations est long (en temps normal, je me dirais c’est pas très grave) mais nous sommes en situation d’URGENCE. Quand la maison brûle, peut-on se permettre ce temps ? Le monde politique n’a pas une vision à long terme, c’est un vrai problème. Nous, les jeunes, nous devons nous lever pour leur montrer que leurs décisions (ou surtout leur inaction), c’est nous, en chair et en os, qui en subirons les conséquences.

Ce sont les adultes qui peuvent nous aider à comprendre cela, à éveiller notre conscience des interrelations. Parents et enseignants, nous avons besoin de vous. Don’t leave the kids alone !

Comment cela se passe sur la scène internationale ? Y a-t-il de nouvelles avancées chez nos voisins ? Si oui, quelles sont-elles et comment pouvons-nous nous en inspirer ?

Oui, dans près de 130 pays du monde, des groupes de jeunes s’organisent pour marcher, pour refuser le système. Comme si la voix de Greta n’était que le détonateur d’une jeunesse déjà prête à exploser. Début août, il y a eu un rassemblement européen, à Lausanne, de jeunes délégué.e.s de mouvements pour le climat. Plus de 30 pays étaient représentés. Un texte a été élaboré comme base commune de ce qui nous motive (on le trouve sur internet). Nous nous sommes ensuite servi de nos différences comme autant de pistes que l’on peut suivre, selon ses sensibilités.

Et les jeunes qui se rendront à la Cop 25 ont l’objectif de renforcer les réseaux internationaux de jeunes. C’est une grande toile de contacts que nous pourrons tisser pour résister contre la destruction de notre futur.

Qui dit rentrée scolaire dit probablement nouveaux projets et nouveaux objectifs… Quels sont les vôtres ?

Oui, YFC repart pour une saison 2. On prévoit des actions régulières entre le 20 septembre et le 13 décembre (fin du sommet de la Cop 25). Il y aura des marches (une par mois) mais, surtout, des actions au sein des écoles, envers le monde politique. Suivez les actions sur la page Facebook de Youth for Climate et, surtout, rejoignez-nous. On ne PEUT pas laisser le monde continuer de cette manière, aucun.e enfant n’aura un avenir serein avec une planète si mal en point.

En tant que jeune militante pour la cause écologique, qu’aimerais-tu faire passer comme message aux enfants, même aux plus jeunes d’entre eux, à leurs parents et à leurs enseignant.e.s ? Quel rôle ont-ils à jouer selon toi ?

Est-ce qu’un.e enfant peut « réussir » sa vie (expression souvent entendue par les adultes) aux dépens de la planète terre ? En ignorant les conséquences des actes posés ? Chacun doit se poser la question, en ne perdant pas de vue que la vie c’est toujours un système d’interdépendance. Est-ce que chacun.e va juste regarder sa propre réussite et ignorer qu’il/elle est, qu’il/elle le veuille ou non, relié.e aux autres ?

Ce sont les adultes qui peuvent nous aider à comprendre cela, à éveiller notre conscience des interrelations. Parents et enseignant.es, nous avons besoin de vous. Don’t leave the kids alone !

Propos recueillis par Aurielle Marlier.

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